Pourquoi faudrait-il toujours envisager la sexualité dans son rapport avec la procréation ? N’est-ce pas un excès de la pensée chrétienne un tant soit peu « procréative » ? Si l’Église reconnaît bien deux finalités à l’union conjugale, tout à la fois ordonné à la « communion des époux » et à la « transmission de la vie », pourquoi ne pas reconnaître légitime l’exercice de la sexualité pour le seul « bien des conjoints » ? Après tout, n’est-il pas important de consolider l’amour mutuel pour mieux assumer les tâches éducatives ?

En réalité, ces deux finalités ne sont ni parallèles, ni indépendantes. S’il est techniquement possible de produire la vie en dehors de l’amour ou au contraire de « faire l’amour » en excluant toute vie, ces deux voies conduisent à des contradictions dont nous cueillons aujourd’hui les fruits amers ! Déplorer les projets délirants qui concernent la sexualité et la fécondité humaines sans avoir fait le deuil de l’utopie mondaine d’une sexualité coupée radicalement de la vie, n’est pas honnête. Comment prétendre se battre contre la promotion ouverte de pratiques sexuelles désordonnées sans s’être décidé à ordonner sa propre sexualité à sa finalité fondamentale qui est le don de la vie ?

La vérité que le bienheureux pape Paul VI eut la charité et le courage prophétique de défendre dans Humanae vitae, c’est qu’il est impossible de prétendre s’aimer mutuellement sans donner à cet amour son amplitude maximale : celle de toute la personne et de toute la vie. Saint Jean-Paul II alla plus loin en osant affirmer que l’exclusion volontaire de la transmission de la vie affectait le cœur même de la relation et la croissance authentique de l’amour des époux (1). Osons le dire, l’exclusion de la procréation induit aussi l’exclusion de la personne que j’aime puisque je ne l’accueille plus dans l’intégrité de son être (corps et âme), et peut traduire une défiance envers la Providence.

De même que le Jourdain forme deux mers, la mer de Galilée et la mer Morte, tout amour humain doit choisir entre se refermer en vase clos – comme une mer de sel – ou se déployer au-delà de lui-même – comme le lac de Galilée, bouillonnant de vie. Si les couples qui ont choisi de vivre le don mutuel dans une confiance inconditionnée ont souvent de nombreux enfants, on s’empresse de l’attribuer à des questions de « méthodes »… alors qu’un juste exercice de la sexualité manifeste d’abord une autre disposition des cœurs ! La vraie libération sexuelle ne se situerait-elle pas précisément là où on l’attendait le moins ?

Aimer sans mesure n’est pas se donner aveuglement mais bien dans la lumière d’une conscience qui n’envisage le don mutuel que comme un ministère sacré. Il implique une mission plus large que la seule procréation. Celle d’une véritable « petite Église » qui porte du fruit lorsqu’elle consent à se laisser irradier par un Amour dont nous avons la grâce de connaître le Nom !

Abbé Simon Chouanard

(1) Par exemple Familiaris consortio (n° 32) : « Au langage qui exprime naturellement la donation réciproque et totale des époux, la contraception oppose un langage objectivement contradictoire, selon lequel il ne s’agit plus de se donner totalement à l’autre ; il en découle non seulement le refus positif de l’ouverture à la vie, mais aussi une falsification de la vérité intérieure de l’amour conjugal, appelé à être un don de la personne tout entière » (cité par le Catéchisme, n° 2370).

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