Chirurgien-cancérologue et président de Familles de France, le professeur Henri Joyeux, 64 ans, se passionne depuis l’irruption du sida sur la planète pour l’éducation affective et sexuelle des jeunes à laquelle il consacre une journée par semaine en se rendant dans les écoles.
Beaucoup de parents se sentent démunis pour parler de sexualité à leurs enfants.
C’est pourquoi il est urgent qu’ils se forment ! Les parents doivent savoir qu’aujourd’hui, en classe de primaire, des garçons baissent leur braguette, appellent une fille et leur demandent très naturellement de les "sucer" ! Cette scène ne m’a pas été racontée par l’institutrice d’une école localisée dans une banlieue difficile mais par la directrice d’un établissement catholique de province, complètement affolée par les mots des enfants et par leurs comportements !
Quel est le problème avec l’éducation affective et sexuelle des plus jeunes ?
Nos enfants et nos ados ont soif de connaître ce qui touche au plus intime d’eux-mêmes ; c’est une bonne chose et il ne faut pas les culpabiliser pour cela. En revanche, je pense qu’il faut leur donner à savoir, et non pas à voir comme s’en charge le business du porno qui arrive directement sur leur téléphone portable, leur ordinateur, à la télévision…
Un enfant ne se construit pas tout seul ; il faut qu’il ait des adultes pour l’entourer, lui parler, l’enseigner, l’aimer. En règle générale, un enfant a six adultes autour de lui : papa, maman, grand-père et grand-mère paternels, grand-père et grand-mère maternels, plus ses éducateurs à l’école..
Le problème est que le sujet reste tabou pour la plupart d’entre eux et que la majorité des parents ne sont pas formés pour parler sexualité avec leurs enfants. Ils sont mal à l’aise et donc n’en parlent pas, notamment les pères. Ils offrent le même silence gêné à leurs enfants que celui qu’ils ont connus de la part de leurs aïeux. Le tabou sur la sexualité et la vie affective est historique ; il remonte à Adam et Eve…
Pourquoi ce tabou ?
Notre société a placé le sexe en premier, quasiment au-dessus de toute autre valeur. Ce n’est pas un problème de moral mais un problème d’anthropologie : vous avez des oreilles, à quoi elles servent ? Vos yeux, à quoi ils servent ? Nos contemporains oublient que notre sexe n’est pas en premier lieu un instrument de plaisir mais qu’il nous permet d’aimer, qu’il est le lieu du don le plus intime.
L’Eglise aussi a fait des erreurs, en ce sens qu’elle a moralisé la sexualité, en dressant une liste d’interdits. Hors depuis 1968, vous savez bien qu’ "il est interdit d’interdire". Dans ce domaine, je suis assez d’accord avec cette idée. Si vous interdisez à votre enfant de faire quelque chose sans lui faire comprendre le sens de votre décision, cela ne passera pas. En revanche, si vous lui dites, je t’interdis de faire cela parce que tu risques ça, il va tout de suite comprendre le sens de votre interdit.
Que proposez-vous pour remédier à cet état de fait ?
Nous avons un corps qui nous a été donné et il faut le connaître ainsi que son fonctionnement.
Il y a une pédagogie avec un fil d’Ariane. Selon moi, cette pédagogie commence à 4 ans et finit à 15. A 4 ans, l’enfant a déjà compris la notion de différenciation sexuelle, il commence à poser des questions telles que "Comment je suis sorti du ventre de maman ?" Et pourquoi 15 ans ? Parce que François Mitterrand a signé le 4 août 1982 une loi fixant la majorité sexuelle à 15 ans. Pourtant, à 15 ans, le corps du jeune n’est pas fini, sa capacité relationnelle inachevée. Mais si le législateur a fixé sa majorité sexuelle à 15 ans, il faut donc absolument qu’il ait été informé avant !